La Cour de cassation l’a rappelé par un avis en date du 18 décembre 2020[1] rendu dans le cadre d’une demande formulée par le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Rouen.
Interrogée dans une instance, la haute juridiction judiciaire a dû se prononcer au sujet de la question suivante :
« Les dispositions de l’article 501 du code civil autorisant, depuis la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, le tuteur à placer sans autorisation des fonds sur un compte sont-elles applicables au versement libre de primes sur un contrat d’assurance vie existant ou ce type de placement doit-il toujours être considéré comme un acte de disposition soumis à l’autorisation du juge des tutelles ? »
Pour rappel, l’article 501 du Code civil actuellement en vigueur dispose notamment : « Le conseil de famille ou, à défaut, le juge détermine la somme à partir de laquelle commence, pour le tuteur, l'obligation d'employer les capitaux liquides et l'excédent des revenus. Le tuteur peut toutefois, sans autorisation, placer des fonds sur un compte. »
Il autorise ainsi le tuteur à placer, sans autorisation, des fonds du majeur protégé sur un compte.
La question était donc de savoir si un contrat d’assurance-vie pouvait être qualifié de compte au sens de l’article 501 précité afin de déterminer si le tuteur était en droit de procéder au versement de primes sur ledit contrat sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’autorisation du juge.
La Cour de cassation a procédé à une analyse en plusieurs étapes et a jugé ce qui suit :
Le contrat d’assurance sur la vie n’est pas un compte
En procédant à cette affirmation, elle exclut ipso facto l’application de l’article 501 du Code civil au cadre de l’assurance-vie.
Le contrat d’assurance-vie comporte des risques financiers
La Cour rappelle que ce type de contrat comporte des risques financiers, lesquels sont encore plus importants lorsque le contrat est libellé en unités de compte. En effet, les montants investis sur des supports en unités de compte ne sont pas garantis mais sont sujets à des fluctuations à la hausse ou à la baisse dépendant en particulier de l’évolution des marchés financiers.
Ce contrat peut placer le tuteur dans une situation de conflits d’intérêts
Au demeurant, la première chambre civile de la Cour de cassation évoque la situation de conflit d’intérêts qui peut se présenter en raison de l’existence d’une clause bénéficiaire, notamment lorsque le tuteur est désigné bénéficiaire du contrat d’assurance-vie.
Le versement de fonds venant alimenter le contrat d’assurance-vie constitue un acte de disposition
La Cour de cassation appuie son argumentation par le rappel du décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle pour souligner qu’est considéré comme acte de disposition le versement de nouvelles primes sur un contrat d'assurance-vie.
L’accomplissement de cet acte de disposition nécessite l’autorisation du conseil de famille ou du juge des contentieux de la protection, sauf circonstances particulières
Il s’infère des dispositions légales, réglementaires et du raisonnement de la Cour de cassation que :
- les dispositions de l’article 501 du code civil autorisant le tuteur à placer sans autorisation des fonds sur un compte ne sont pas applicables au versement libre de primes sur un contrat d’assurance sur la vie existant ;
- ce type de placement demeure un acte de disposition soumis à l’autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge des contentieux de la protection.
Cet avis poursuit le même objectif de protection des personnes protégées découlant des dispositions de l’article L.132-4-1 du Code des assurances. En effet, cet article soumet à l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille, s'il a été constitué, la souscription ou le rachat d'un contrat d'assurance sur la vie ainsi que la désignation ou la substitution du bénéficiaire dudit contrat.
Est également évoquée à cet article la situation de conflits d’intérêts à laquelle le tuteur est confronté lorsqu’il est désigné bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie. Dans une telle hypothèse, il est réputé être en opposition d'intérêts avec la personne protégée.
Le versement de primes dans un contrat d’assurance-vie souscrit par un majeur sous tutelle est donc un acte de disposition qui nécessite l’autorisation du juge.
[1] Cass. 1ère civ., 18 déc. 2020, avis n° 15007 du 18 décembre 2020 (Demande d’avis n°20-70.003)