Mathilde Pourplanche:
Alors avant d'entrer dans le vif du sujet et de te laisser la parole, Aurélien, je vais commencer par expliquer finalement ce que c'est qu'une branche 6 luxembourgeoise. Il s'agit en fait d'un contrat de capitalisation que Baloise vend à destination des sociétés belges.
Ce contrat de capitalisation, il est un peu différent finalement de la branche 26 en droit belge, puisque la branche 26 offre en fait un rendement garanti et la branche 6 c’est un contrat investi en unités de compte. Alors Baloise vend ce type de contrats à destination des personnes morales qui sont soumises à l'impôt des sociétés, mais également à l'impôt des personnes morales.
Tout récemment donc, en juin 2021 et en février 2023 de cette année, ce sont deux ruling qui ont été publiés. Et donc je vais te laisser nous expliquer un peu ce qui s'est passé sur le sujet.
Aurélien Vandewalle:
Tout à fait. Effectivement, la question de la fiscalité à l'impôt des sociétés d'une branche 6 est une question qui a fait couler pas mal d'encre ces dernières années.
Selon une position qui était défendue depuis longtemps, il y avait d'abord un premier ruling en 2018 qui était un peu ambigu et il y a eu un ruling effectivement en juin 2021 qui était très clair et qui confirmait donc le régime fiscal qui avait été défendu de longue date. Ce régime fiscal était assez simple et partait du principe que le droit comptable énonce certaines règles et que le droit fiscal ne dérogeait pas sur ces points au droit comptable, et donc on appliquait tout simplement les règles comptables. Ce ruling de 2021, d'ailleurs c’est intéressant de noter qu'il avait été rendu à la suite de décisions de la Commission des normes comptables.
Et quel était le régime fiscal, donc selon ce ruling de 2021 ? C'était très simple ! Tant qu'il n'y a pas un fait générateur d'impôt qui consiste à soit un rachat sur le contrat, soit l'arrivée à terme du contrat, il n’y a tout simplement pas de fiscalité et pas de base imposable à reprendre à l'impôt des sociétés. Au contraire, si le contrat avait baissé de valeur, là il faut considérer qu'on peut acter une réduction de valeur sur le contrat qui elle en principe est déductible à l'impôt des sociétés. On était très content de ce ruling de 2021 qui clarifiait un régime qu'on défendait de longue date. Et puis est venu le ruling de février 2023 qui a vraiment changé la donne ! Le SDA, le service de ruling, a fait un virage à 180 degrés et est entièrement revenu sur la position de 2021. D'un point de vue technique, il a décidé qu'un article particulier du code des impôts sur les revenus, l'article 362 bis du CIR, peu importe, s'appliquait à la branche 6.
Et en gros que dit cet article ? Cet article, il oblige un contribuable qui a un contrat affecté à son activité professionnelle, donc un contrat détenu par une société. Cet article en fait, il impose aux contribuables de prendre chaque année en résultat fiscal la plus-value latente. Si on applique cet article aux contrats de capitalisation, ça veut dire que chaque année à la clôture des comptes, la société doit regarder : est-ce que mon contrat a augmenté de valeur et dans l'affirmative on doit prendre cette plus-value latente, donc sur le contrat, en résultat fiscal et subir une imposition sur cette plus-value latente. Sans rentrer dans les détails, il faut savoir que cette décision, cette position plutôt, est extrêmement contestable.
Ça ressort d'une part, si on analyse l'historique de cette fameuse disposition 362 bis et d'autre part du fait simplement que cette disposition 362 bis, elle parle d'intérêts courus. Or, même si cette notion d'intérêts courus n'est pas spécifiquement définie par la loi fiscale, il est manifeste qu'on ne peut pas considérer qu'il y a un intérêt couru dans le cadre d'un contrat de la branche 6, qui n'a ni une garantie en capital ni une garantie de revenus. Cette position est très contestable et donc la situation actuelle est un peu paradoxale. On a en fait deux rulings. Aujourd'hui 2021, 2023 qui sont diamétralement opposés. Et c'est assez paradoxal parce que la loi sur les rulings, elle dit qu'un ruling n'est valable que pour autant qu'il est conforme à la loi. Or la loi fiscale, il n'y en a qu'une. Donc forcément, il y a un des deux rulings qui n'est pas valable, l'autre qui est valable. Selon la position qu'on a toujours défendue et qu'on continue de défendre, c'est que voilà, la position du ruling de 2023 est critiquable et n'est pas valable. Mais voilà, une certaine incertitude règne.
Ce qui est intéressant aussi de relever, c'est que très récemment, il y a un avant-projet, un avant-projet de loi qui a été déposé pour justement modifier le fameux article 362 bis et le rendre explicitement applicable aux contrats de capitalisation de la branche 6. Ça ressort très clairement des travaux préparatoires de cet avant-projet.
On peut quand même se demander mais en fait, si le ruling de 2023 était réellement conforme à la loi, pourquoi est-ce qu'il faudrait modifier l'article 362 bis pour confirmer ce point ?
Donc voilà, ça pose encore plus de questions sur le sujet.
Mathilde Pourplanche:
Oui, et du coup chez Baloise forcément, on n'est pas en mesure de prendre position sur le sujet et donc on recommande très fortement à nos clients de se rapprocher de leur conseiller fiscal pour prendre la meilleure décision possible et pour éventuellement se faire accompagner par toi sur le sujet.
Aurélien Vandewalle:
Une excellente position, merci.